Le jour où j’ai arrêté de lire les nouvelles…

the morning coffee (CC-By-Sa Thomas Leth-Olsen)Il y a quelques mois, ploum publiait un article très intéressant sur la pollution que se prenaient quotidiennement nos cerveaux par la pub et… les informations (les fameuses « news »). Si j’étais parfaitement d’accord sur la pub qui est une plaie sans nom, j’étais plus sceptique sur les infos qui, si elles sont effectivement très critiquables, me semblaient utiles : pour se positionner correctement par rapport au monde, il faut savoir ce qui s’y passe.

Et puis il y a eu le déclic. Ou plutôt, deux déclics clou sur clou, le deuxième venant définitivement enfoncer le coup (ou le contraire, je ne sais plus).

Le premier, c’est la fameuse affaire Dieudonné et son community manager Manuel Valls (alors Sinistre de l’Intérieur). Des semaines qu’on nous a bourré le mou. Moi qui ignorais totalement ce qu’était une quenelle il n’y a pas 6 mois, je pense avoir entendu suffisamment ce mot pour le reste de ma vie. Je ne reviens d’ailleurs pas sur cette histoire qui ne mérite pas, à mon sens, qu’on s’y arrête plus que le temps des 140 caractères d’un tweet lâché entre le fromage et le dessert :

Je n’aime pas l’idée d’interdire les cons, parce que les gens qui décident ce qu’est la connerie pourraient très bien m’y inclure un jour.

Lorsque Rue89 reprend l’article illustré d’Odieux Connard qui explique que « les idées à la con progressent grâce à ceux qui prétendent les combattre », je manque de m’étrangler. Sérieusement Rue89 ? Combien d’articles avez-vous sorti sur cette affaire ? L’hôpital, la charité, tout ça ?

Et je ne parle pas de la télé que je regarde rarement : en zappant dessus à l’heure des infos, pendant cette même période, le verdict est tombé. TF1, France 2, BFM TV et iTélé parlaient toutes sans exception de cette affaire au même moment. Sérieusement ? C’était ça le sujet n°1 de l’actu en France ? Je m’esclaffais alors en lisant l’article du Gorafi racontant l’attente de la neige par les français pour que les journalistes changent enfin de sujet… Parce que le plus triste, c’est que cet article était à peine caricatural.

La semaine suivante, hallelujah, la relève est arrivé : François Hollande a trompé sa compagne ! Tant pis si la majorité de la population S’EN BRANLE, moi le premier (autant que la romance-Disneyland de Sarkozy et Bruni il y a quelques années). Et le pire, c’est que ça ne choque même plus les journalistes de monter en première page un sujet déterré par un torche-cul de première classe.

Et bien pour ma part, vous avez gagné, ciao les journaux. Je n’en lisais déjà pas des masses, je faisais le tour de l’actu via un Google News un peu customisé, puis j’allais lire quelque sujets sur Le Monde ou Rue89. Rue89 comme Le Monde dérivent chaque jour un peu plus vers la course au clic et les sujets avec peu de fond et à peine plus de forme. Et Google News, ne faisant qu’agréger, affiche mécaniquement les sujets « buzz » et non les sujets d’intérêt.

Terminé. Je rejoins à nouveau ploum sur son dernier article. Vous touchez assez de pognon via les subventions honteuses qu’on vous verse (pour venir cracher sur la France des assistés, summum du foutage de gueule), vous n’en aurez pas plus de moi.

Vous avez voulu faire un travail de blogueur, vous serez traités comme des blogueurs. Et les blogueurs ne sont pas payés (en majorité).


Bon, maintenant finissons par une note positive. Parce qu’heureusement, il reste encore quelques journaux qui font un vrai travail de journalisme. Je n’en citerai que deux, aux modèles diamétralement opposés :

Personnellement, je ne suis pas abonné à Mediapart : j’ai essayé, je n’ai pas aimé. Non pas que ce ne soit pas intéressant, mais je ne sais pas, site trop fouillis, pas assez organisé vu la densité du contenu, bref, je n’ai pas trouvé ça agréable à lire. Question de goûts. Mais ils font un vrai travail d’investigation, sont indépendants et s’en sortent financièrement sans aller geindre à l’Assemblée pour avoir des sou-sous.

Le Canard par contre, je m’y suis mis et j’aime beaucoup. Un des rares journaux papier sans pub et sans subvention (et donc assez indépendant). Un des rares journaux papiers qui n’a pas tenté l’aventure en ligne. Un des rares journaux en bonne santé financière (toute corrélation entre ces différents points serait un pur hasard, bien entendu).

Il n’y a pas de secret, juste un principe qu’ils exposent sur leur site Internet (qui n’est qu’une vitrine, puisqu’encore une fois ils ne font pas de journalisme en ligne) :

Notre métier, c’est d’informer et de distraire nos lecteurs, avec du papier journal et de l’encre. C’est un beau métier qui suffit à occuper notre équipe.

Hé bah chapeau les gars, vous avez tout compris. Pourquoi venir essayer de concurrencer les blogueurs sur un terrain qui n’est pas le vôtre et que vous ne maîtrisez pas si vous êtes compétents là où vous êtes ? Il faut une sacré humilité pour reconnaître ça.

Et une sacrée classe.

Crédit photo : the morning coffee (CC-By-Sa Thomas Leth-Olsen)

14 réflexions au sujet de “Le jour où j’ai arrêté de lire les nouvelles…”

    1. Oui, on m’en a déjà dit beaucoup de bien mais je dois admettre que je ne l’ai jamais lu. Il faudra que je tente à l’occasion 🙂

    2. tu me devance. le diplo, c’est l’anti news parfait. des articles long, de fond, sur un sujet d’actu mais avec un recul de quelque semaine, voir mois. c’est des fois bien velu a piger ( le champion toute catégorie, c’est frederic lordon, passionnant mais faut le suivre le gars… 🙂 ) pour le quidam moyen mais en se plongeant dedans c’est presque toujours passionnant et ils arrivent a m’intéresser a des sujets qui au premier abord ne me parle pas du tout mais que je lis en entier avec le sentiment d’être moins con a la fin.

    3. Je ne peux qu’appuyer ces deux commentaires, on ne saurait pas vanter suffisamment les mérites du Diplo !

  1. et en passant, 7 ans sans télé et deux ans sans france inter que j’écoutais toute la journée et je me porte comme un charme 🙂
    faut faire le pas et virer cette cochonnerie. le temps n’est pas extensible et il y a tellement de chose plus intéressante a faire.

  2. Je te conseillerai bien Rivarol comme journal digne d’intérêt et analysant vraiment les informations, mais je crains fort qu’il ne soit un peu trop radicalement opposé à tes idées pour que tu puisses l’apprécier. (Tu as mon mail, tu peux toujours m’envoyer ton adresse pour que je t’en envoie un exemplaire si tu veux y jeter un œil dégoûté)

    Ceci dit, les journaux d’opinion (les vrais, les petits non subventionnés) sont probablement tous assez intéressants (bien que filtrant/analysant les informations en fonction d’un prisme idéologique, ce qui est logique (et souhaitable) pour de la presse d’opinion. Enfin, je dis ça mais je ne connais pas la petite presse d’extrême gauche, donc je lui envoie des fleurs gratuitement. Ca a l’avantage de proposer des informations ciblées et très différentes d’une vulgaire dépêche AFP qui est ce que l’on retrouve dans tous les grand journaux, plus ou moins délayé dans du texte de remplissage.

  3. Le canard enchainé, c’est un journal que je lis avec plaisir depuis des années (bien avant d’arrêter la TV, et ça date déjà de plus de 10 ans), dommage que je ne puisse le lire depuis mon adresse actuelle, située au Canada.

    Sinon tu peux aller voir sur Slate (la version US, ou la version en .fr qui est tout aussi bonne), c’est un journal d’investigation en ligne (même s’il y a parfois des articles « a clics » ça n’a en général rien à voir avec le reste tant c’est rare) : l’actualité parait en général avec un retard d’une semaine ou deux, mais pour mieux comprendre les tenants et aboutissants : en gros, mon seul moyen de me tenir informé intelligemment.
    Attention cependant : certains articles demandent plus de 20 mins de lectures : illettrés s’abstenir.

  4. Il y a différent aspects au travail journalistique. Il y a les analyses, qui requiert du temps et de long articles. Mais il y a aussi la veille journalistique. Celle-ci passe en général inaperçu, mais constitue un élément indispensable à la seconde.
    Les journaux cités sont tous des journaux d’analyse (d’ailleurs le canard enchainé est un hebdomadaire et le monde diplomatique un mensuel). Pour les journaux « de veille », qui sont tout aussi important (t’imagine devoir attendre la fin de la semaine pour être mis au courant des actualités ?), le fonctionnement est différent:
    – si lundi, Valls fait une déclaration sur l’affaire Dieudonné, un bon journal de veille doit le notifier.
    – si mardi, Valls fai une nouvelle déclaration, un bon journal de veille doit le notifier également.
    – si mercredi, un autre intervenant réagit aux déclarations de Valls, un bon journal de veille doit le notifier.
    Au final, on se rend compte qu’un bon journal implique un bourrage de mou.
    Le problème n’est pas le journal, mais bien les intervenants qui n’arrêtent pas de réagir.

    Après, on peut critiquer le comportement de certains journaux qui ont exploités le phénomène (ou sur le choix de leur une). Reste que théoriquement, critiquer les journaux sur base d’une observation qui correspond à ce qu’on aurait si on avait des bons journaux, cela me parait pas une bonne idée.

    1. Un bon journal de veille ne doit PAS notifier les élucubrations d’agités du bocal sous prétexte qu’ils sont coiffé d’un chapeau de ministre. Un bon journal de veille DOIT faire la différence entre le bruit et l’information relevante. Et visiblement c’est trop demander à la presse quotidienne actuelle. Donc, il ne sont plus lu.

      1. Donc, tu t’opposes totalement à la phrase de Gee: « Je n’aime pas l’idée d’interdire les cons, parce que les gens qui décident ce qu’est la connerie pourraient très bien m’y inclure un jour. »

        Par ailleurs, les journaux ne notifient pas les élucubrations d’agités du bocal sous prétexte qu’ils sont coiffés d’un chapeau de ministre, ils notifient les élucubrations d’agités du bocal qui jouent un rôle dans la situation (et ce, qu’ils aient un chapeau de ministre ou non).
        Si les élucubrations d’un ministre sont digne d’être notifiées, ce n’est pas parce que les journaux sont sensibles à son chapeau, c’est parce que le ministre en question a un pouvoir de décision / d’influence important, et que ses élucubrations expliquent les actions qui auront un impact.

        Je ré-itère ce que j’ai dit: si on imagine un monde parallèle qui contient uniquement des « bons » journaux (mais pas forcément une absence d’égités du bocal), une situation comme par exemple cette histoire de quenelles DOIT engendrer un certain taux de bourrage de mou (p-e pas autant que ce qu’il y a eu, je le répète: je ne dis pas que la presse française est bonne).
        Du coup, voir le bourrage de mou comme une preuve de l’incompétence de la presse me parait pas judicieux
        (et je ne pense pas que Gee voulait totalement dire ça (je ne suis pas sur par contre qu’il était totalement conscient de cette subtilité, par contre), je ne fais que préciser les choses car j’ai déjà vu bcp d’idiots sur internet ne pas comprendre ce genre de chose).

  5. Bonjour, je suis journaliste à L’Obs et je prépare un article sur ceux qui décrochent des infos par ras le bol. J’aimerais bien vous parler, car je viens de lire votre billet. Est-ce possible ? Je suis à cdeffontaines@nouvelobs.com Si d’autres personnes dans les com sont intéressées, bienvenue aussi. Merci !

Laisser un commentaire